Mais au fait, c’est quoi exactement l’UER, l’organisateur de l’Eurovision ?
Chaque année en mai, l’Europe, mais pas que, se réunit pour choisir la meilleure chanson, et cela dure depuis 1956. L’Eurovision, mais dans cet article soyons précis, le Concours Eurovision de la Chanson, fait se rassembler des millions de téléspectateurs à travers l’Europe et bien au-delà. Entre performances incroyables, artistes élevés aux rangs d’icônes, mais aussi débat passionnés, l’Eurovision s’est imposé comme un rendez-vous populaire incontournable du mois de mai. En quasiment 70 ans, seul un virus a fait dérailler la machine en 2020. Heureusement, temporairement.
Et derrière ce spectacle, allez disons-le, unique au monde, parfois imité, jamais égalé, une organisation est à l’oeuvre pour veiller à son bon déroulement. Une organisation dont on entend beaucoup parler, qu’on critique aussi souvent, mais sans vraiment la connaitre : l’Union Européenne de Radio-Télévision (UER) ou en anglais EBU – European Broadcasting Union, secondée par le Groupe de Référence.
Qui sont ces acteurs essentiels à la pérennité du concours ? Quel est leur rôle exact, et comment influencent-ils le Concours Eurovision que nous connaissons aujourd’hui ? On vous propose de plonger au cœur de l’institution qui veille sur le plus grand show musical au monde.

L’UER : Une organisation au service de la coopération européenne
Les origines de l’UER…
Fondée en 1950 au sortir de la guerre, l’UER trouve ses racines dans l’UIR (Union Internationale de Radiophonie) créée en 1925 pour favoriser la coopération entre les radiodiffuseurs européens et faciliter l’échange de contenus entre les médias de service public. A cette époque la radiodiffusion devenait un moyen essentiel de communication et d’information, il était essentiel de bâtir des alliances et constituer des rapprochements pour offrir du contenu.
La naissance du réseau Eurovision
Dès sa création, l’UER mettait à disposition de ses membres les programmes produits dans chaque pays. En particulier des programmes dits universels, qui gravitent autour de l’actualité, de la musique et du sport. C’est ainsi que nacquit l’Eurovision, un réseau technique interconnecté conçu pour faciliter l’échange et la diffusion en direct ou en différé de contenus médiatiques entre membres de l’UER. Initialement centré sur l’Europe, ce réseau s’est progressivement étendu à l’échelle mondiale. L’un de leurs moments les plus marquants de l’époque ? La retransmission en direct du couronnement de la reine Elizabeth II en 1953.
Avec les avancées technologiques, la partie « réseau de diffusion » demeure, mais elle est assurée par une filiale de l’UER appelée Eurovision Services qui possède 250 points de présence dans le monde et transmet à ses clients plus de 12.000 heures de programmes par an.
Le rôle de l’UER aujourd’hui
Aujourd’hui l’UER est la première alliance mondiale de médias de services publics. Elle est présidée par Delphine Ernotte, Présidente de France Télévisions. L’UER a pour but de favoriser la coopération entre diffuseurs de radio et télévision publics afin de promouvoir la diversité culturelle, d’assurer une couverture médiatique de qualité et de garantir l’accès à l’information à travers l’Europe. Elle touche avec ses membres, près d’un milliard de personnes dans le monde. L’UER est également un acteur clé dans la gestion des droits d’auteur, le partage de contenus audiovisuels, la mise en place de cadres légaux autour des services publics ainsi que dans la diffusion d’événements majeurs comme les Jeux Olympiques ou la Coupe du Monde de la FIFA.
Toutefois, c’est probablement le Concours Eurovision de la Chanson, par abus de langage l’Eurovision, qui est son événement le plus médiatisé, en tout cas celui qui incarne le mieux l’étendue de son influence, de son rôle de fédérateur et de catalyseur de la culture européenne.
Les membres de l’UER et wHaaAt l’AuStRaLiE à L’eUroVIsIoN pTDRrR !!?? xDD
L’UER regroupe aujourd’hui plus de 100 membres, principalement des chaînes de télévision et de radio publiques à travers l’Europe. Mais saviez-vous qu’elle accueille aussi parmi ses membres des pays non Européens comme Israël, l’Australie ou le Maroc ?
Alors, on va mettre tout de suite les pieds dans le plat où se cache l’éléphant dans la pièce. Parmi les membres de l’UER , on trouve quasiment tous les diffuseurs européens (la BBC pour le le Royaume Uni, France Télévisions pour la France, etc.), mais aussi des diffuseurs situés hors des frontières de l’Europe, comme en Algérie, en Azerbaidjan, en Israël, etc. En réalité aujourd’hui ce sont tous les diffuseurs situés dans ce qu’on appelle la « Zone européenne de radiodiffusion » définie par l’UIT (Union Internationale des Télécommunications) qui peuvent prétendre au status de membre de l’EBU.

Pour les autres, l’UER est composée de membres dits « affiliés » comme la NHK au Japon, SMG en Chine ainsi que ABC et SBS, deux diffuseurs en Australie. L’EBU aujourd’hui c’est 113 membres dans 56 pays et 31 affiliés dans 20 pays représentant près de 2 000 chaînes et services de télévision, de radio et en ligne.
Aux origines de l’Eurovision (le concours cette-fois)
Dans les années 1950, l’Europe se reconstruit et cherche à se réconcilier. Deux idées germent de cette idée. On doit la première à Charles de Gaulle, le président français de l’époque, qui suggère la création d’une émission de jeux à l’échelle européenne pour renforcer l’amitié entre la France et l’Allemagne. C’est Guy Lux, créateur de l’émission Intervilles, qui proposera le concept à l’ORTF (Office de Radiodiffusion-Télévision Française), le service public audiovisuel français de l’époque (pour faire simple). L’émission sera proposée à l’UER qui organisera ainsi « Jeux Sans Frontières » de 1965 à 1999.
Mais c’est le concours de chansons Eurovision, inspiré du Festival de Sanremo Italien, qui rencontrera le succès qu’on lui connaît aujourd’hui. La suite, on la connait. Enfin on va vous la rappeler. 24 mai 1956, premier Concours Eurovision de la Chanson. En Suisse, à Lugano. Les pays participants sont au nombre de sept. Chaque participant propose deux chansons. Et, malgré la présence de dix radiodiffuseurs nationaux, il ne subsiste quasiment aucun enregistrement de cette édition historique de l’Eurovision.
Les Gardiens du Concours Eurovision de la Chanson
Le Concours Eurovision de la Chanson était principalement géré par l’UER et une équipe technique, mais avec l’augmentation de la popularité du concours et des enjeux associés à sa diffusion et à son organisation, il est devenu évident qu’une structure plus formelle était nécessaire.

Le Groupe de Référence
C’est ainsi que nacquit en 1998 le Groupe de Référence du Concours Eurovision de la Chanson. Il joue un rôle majeur sur l’organisation et plus généralement sur la gouvernance du concours dont il représente les diffuseurs participants. Il suit son développement, son évolution et la modernisation de son format, mais il en assure aussi le financement, et il en supervise la préparation chaque année avec le diffuseur du pays hôte.
Le Groupe de Référence est présidé par Bakel Walden (SSR SRG) (qui sera remplacé par Ana Maria Borda de RTVE après l’édition 2025) et il est composé de plusieurs membres élus parmi les chefs de délégation des pays participants, de producteurs exécutifs d’éditions passées, du producteur exécutif du pays hôte, et de deux membres invités pour leur expertise, ainsi que du superviseur exécutif. A date :
- Adielsson (SVT)
- Rachel Ashdown (BBC)
- Felix Bergsson (RÚV)
- Ana Maria Bordas (RTVE)
- Carla Bugalho (RTP)
- Moritz Stadler (SSR SRG)
- Tomislav Stengl (HRT)
- Alexandra Wolfslast (NDR)
- Martin Österdahl (EBU)
Les membres, élus, font entendre la voix et les besoins des radiodiffuseurs, et les producteurs apportent leur expérience pratique pour assurer la qualité de l’émission. Les membres invités apportent leur expertise (image de marque, communication, production, etc.) au groupe. Le superviseur exécutif veille au respect des règles et coordonne l’ensemble du processus. Ensemble, ils approuvent la préparation du concours, son financement et sa réputation, et veillent à ce que le diffuseur hôte prépare l’émission.
Le Superviseur Exécutif
Le Superviseur Exécutif peut être considéré comme le « patron » du concours Eurovision. Il supervise l’ensemble de l’événement au nom de l’UER et du Groupe de Référence et sont rôle est crucial pour la bonne organisation et la préparation du concours. Il travaille en étroite collaboration avec le Groupe de Référence pour assurer la conformité aux règles et la bonne gestion de l’événement. Il dirige l’équipe en charge de la préparation et de l’exécution du show, tout en collaborant étroitement avec les autres parties prenantes, comme le Groupe de Référence et le diffuseur hôte. Si cela se passe mal ? C’est pour lui.
La nouveauté 2025 : le Directeur du Concours Eurovision
Pour répondre aux critiques autour des couacs de l’édition 2024, l’UER a créé il y a quelques mois un nouveau poste de Directeur du Concours Eurovision, qui a pour but de réduire la charge du Superviseur Exécutif. Celui-ci se concentrera davantage sur la production du concours, les relations avec les délégations et les aspects quotidiens. Le Directeur du Concours Eurovision quant à lui, supervisera le Superviseur Exécutif ainsi qu’un nouveau rôle de Responsable de la Marque Eurovision Song Contest.
L’Eurovision, un modèle qui rêve plus grand ?
Si l’UER et le Concours Eurovision sont historiquement des projets européens pensés après guerre dans un esprit de réconciliation et d’unité, l’UER a aussi l’ambition de faire rayonner ce modèle au-delà de la zone historique. Et ce rêve d’exportation a pris plusieurs formes, notamment en tentant de reproduire la recette de son événement musical phare.
C’est ainsi qu’en 2016 avait été annoncé l’Eurovision Asia Song Contest, une version du concours conçue pour la zone Asie – Pacifique, dans laquelle auraient concourru l’Australie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, les Maldives (…). Le diffuseur Australien SBS s’était porté candidat pour l’organiser mais hélas, le projet a été plusieurs fois décalé puis a fini par être abandonné en 2021 faute d’accord avec tous les diffuseurs. Au-delà des barrières linguistiques, le contexte historique avait aussi changé : l’élan de réunification des peuples de l’après Guerre n’est plus le même aujourd’hui, et les intérêts des pays sont peut-être moins convergeants.
L’UER a aussi tenté d’exporter le concours Eurovision en 2022 aux États-Unis avec le American Song Contest. Inspiré du format Eurovision, produit par NBC, diffusé en 8 épisodes (5 rounds de qualifications, deux demi-finales et une finale) et présenté par Snoop Dogg et Kelly Clarkson, le American Song Contest a réuni des artistes représentant chacun des 50 États américains. Bien que le concept ait été adapté, le succès n’a pas vraiment été au rendez-vous. Ce côté parfois « kitsch » caractéristique de l’Eurovision et sa diversité musicale sont des aspects qui ne s’intègrent pas facilement dans le paysage musical et télévisuel des États-Unis, assez formaté, où l’autodérision, l’humour et l’énergie désintéressée nécessaires à ce type de compétition manquent, et où l’espace télévisuel est déjà saturé de télécrochets et concours similaires.
On vous met la performance gagnante ici:
Ces initiatives montrent que l’Eurovision, au-delà d’être un événement annuel, est devenu un modèle culturel de coopération et de célébration musicale que l’UER cherche à faire vivre sous d’autres latitudes. Et qui sait ce que l’avenir réserve ? 🌍✨
Même si l’UER est souvent citée lorsqu’on parle de l’Eurovision ou au gré de polémiques qui font partie de la saison chaque année, l’organisation joue un rôle bien plus large que celui de l’organisateur du concours, qui n’est qu’une facette, la plus visible pour le grand public certes, de son engagement au service des médias publics et de la culture.
L’UER permet ainsi la pérennité de nombreuses initiatives qui dépassent largement le cadre du concours et assurent le bon fonctionnement du paysage audiovisuel européen.