Tommy Cash Eurovision 2025 : Entre provocation habile et buzz créatif avec ‘Espresso Macchiato’
Chaque année l’Eurovision nous réserve des surprises et souvent un OVNI (Objet Vocal Non Identifié) sort du lot. Cette année c’est la participation de l’Estonie qui divise, avec Tommy Cash et son « Espresso Macchiato« . Entre satire absurde ou performance hyper-maîtrisée, l’artiste estonien bouscule les codes du concours avec un numéro qui semble à la fois célébrer et tourner en dérision les clichés italiens.
Espresso Macchiato est-il un acte de provocation gratuite et Tommy Cash est-il un simple provocateur en quête de buzz, ou tout cela s’apparente-t-il à une sorte de délire d’artiste ? Plongée dans l’univers d’un artiste aussi fascinant que déroutant.
Tommy Cash : artiste, troll, ou les deux ?
Tommy Cash ne ressemble à aucun autre rappeur. C’est ce qui fait son succès. Né en 1991 dans un quartier pauvre de Tallinn, en Estonie, il grandit là où l’art et la culture sont loin d’être des priorités. Pourtant, il se passionne très tôt pour le street art et la danse freestyle qui façonnent son approche du rap. Inspiré autant par Kanye West que par Alejandro Jodorowsky, artiste multidisciplinaire maître du surréalisme, il développe un style unique qu’il qualifie lui-même de « rap post-soviétique ».
Visuellement, Tommy Cash est une énigme, tantôt en manteau de fourrure blanche, tantôt en robe à fleurs avec des bottes massives, oscillant entre provocation et autodérision. Ses clips sont des œuvres surréalistes où se mêlent esthétique grotesque, références pop et mises en scène absurdes, souvent à la frontière du malaise et du génie. Il ne laisse personne indifférent.
Trap, bass music, eurodance, Tommy Cash brouille les frontières entre sérieux et parodie, pouvant livrer des morceaux complètement barrés, puis surprendre avec une production ultra-maîtrisée. Ce mélange d’ironie et d’efficacité artistique fait de lui un véritable OVNI sur la scène musicale actuelle, une figure qui déstabilise autant qu’elle fascine.
Espresso Macchiato : entre joke entry et coup de génie
Sa chanson Espresso Macchiato a donc été sélectionnée au cours de l’Eesti Laul, l’émission qui choisit le représentant de l’Estonie à l’Eurovision. Tommy Cash était en tête des favoris pour remporter la victoire depuis l’annonce de sa participation et la mise en ligne de son clip. Plan séquence fixe le montrant en train de se prendre un café. L’image, minimaliste, sans mouvement spectaculaire ni effet visuel complexe, est un choix délibéré. Bienvenue dans l’univers et l’esthétique de tommy Cash, où le côté absurde ou décalé est accentué, où l’ordinaire devient bizarre par l’interprétation d’un personnage qui semble se moquer de tout, y compris de l’idée même de clip musical.
Quant à sa performance en live à l’Eesti Laul… on ne savait pas à quoi s’attendre, mais Tommy Cash a immédiatement placé la barre très haut, habillé d’un costume sur mesure, cravate qui descend jusqu’à ses genoux et un post-it jaune sur son torse sur lequel est inscrit « I love Eurovision », accentuant son attitude presque envers la compétition.
Malgré cette nonchalance apparente, ne vous méprenez pas. La prestation est professionnelle et millimétrée, la chorégraphie est exécutée avec soin, tout y est impeccablement orchestré. Il faut dire qu’il avait de qui s’inspirer. L’un des compositeurs d’Espresso Macchiato n’est autre que Johannes Naukkarinen à qui l’on doit le célèbre Cha-cha-cha de Käärijä (Finlande 2023) qui terminé en deuxième position face à Loreen, mais certainement premier pour beaucoup dans les coeurs du public.
Du kawa au drama, au-delà de la polémique de Espresso Macchiato en Italie
Comme une saison Eurovision sans son drama ne serait pas vraiment une saison Eurovision réussie, l’Espresso Macchiato de Tommy Cash a a rapidement créé une onde de choc au-delà de l’Estonie, avec des paroles qui ont particulièrement fait parler en Italie !
La chanson joue avec des stéréotypes bien appuyés, à la limite de l’absurde, associés à une Italie traditionnelle et superficielle : le café, la pizza, la mafia, l’exubérance, le tout dans un italien appoximatif mélangé… à de l’anglais et à l’espagnol (« Mi like mi coffè very importante« , « Mi money numeroso, I work around the clocko, That’s why I’m sweating like a mafioso, »). Même si la majorité s’en amuse et voit plutôt un hommage décalé à l’Italie, il n’en fallait pas plus pour que certains y voient une atteinte à leur pays et une instrumentalisation de leur culture pour faire le buzz sur leur dos.
Mais au-delà de cette polémique qui fat réagir certains (les mêmes qui de toute façon n’apprécient ni l’humour, ni la dérision, ni l’Eurovision), on peut se demander si en 2025 gagner l’Eurovision obligatoirement venir sur scène avec une chanson ET faire du buzz.
Tommy Cash, un provocateur professionnel ?
Son post-it « I love Eurovision » lors de la prestation à l’Eesti Laul semble poser les bases dès le départ. Mais c’est peut-être aussi sa collaboration récente avec son pote Joost Klein (Pays-Bas 2024) sur le titre « United by Music » (le nouveau slogan intemporel de l’Eurovision) qui en dit le plus. En duo avec Tommy, Joost Klein n’hésite pas à rapper son mécontentement envers l’Eurovision et son organisation : « Fuck the EBU, I don’t want to go to court« . Rappelez-vous, il avait été éliminé l’année dernière à cause d’un comportement inadapté vis à vis du staff de l’Eurovision. Il en était ressorti blanchi quelques semaines après. Un feat. à la qualité musicale très discutable mais qui résume bien l’état d’esprit de certains artistes vis-à-vis du concours et de ses enjeux ?
Au fond, est-ce que cette collaboration entre Tommy Cash et Joost Klein sur « United by Music », ainsi que la proximité affichée entre ces deux-là et Käärijä, ne symbolise pas ce vers quoi l’Eurovision semble se diriger ? Un concours où c’est avant-tout le buzz des joke entries qui prime sur la musique elle-même ? A moins que les artistes envoyés à l’Eurovision ne soient finalement qu’un miroir qui reflète l’état d’esprit qu’a le public envers le concours ? Outre que cette année Tommy Cash a placé la barre très très haut, c’est une évolution à surveiller de près, car cela soulève nécessairement des questions sur l’avenir du concours.
Un vent de fraîcheur dans une Eurovision trop formatée ?
Au-delà de ces débats sur un style qui ne fait pas l’unanimité, force est de constater que ces artistes trouvent un vrai écho auprès du public. Joost Klein, Käärijä, et maintenant Tommy Cash : qu’il s’agisse d’euro-trap, d’électro-dance ou d’un pastiche de tarantella italienne, leur musique apporte une fraîcheur et du fun. Ce sont aussi des propositions plus imprévisibles et moins formatées, qui contrastent avec une Eurovision de plus en plus façonnée par les writing camps, où la quête de la recette gagnante peut parfois se faire au détriment de l’authenticité. Car qu’on aime ou qu’on déteste, Tommy Cash reste fidèle à lui-même, insaisissable et imprévisible – et c’est précisément ce qui rend l’aventure aussi intrigante.
Même si des plaintes ont été mises, Tommy Cash ne risque rien avec sa chanson « Espresso Macciato » qui se moque de l’Italie. Les paroles ont été validées par l’EBU. Est-ce que cette audace sera gagnante en mai ? Au vu de l’engouement autour de son personnage, le public suivra. Mais ses provocations frontales et répétées contre l’institution Eurovision et son organisation EBU pourrait se payer cash (hin hin), notamment avec les votes du jury, à moins qu’un énième grain de sable ne vienne à enrayer une machine à provocations déjà bien sollicitée.
Une chose est sûre : l’Eurovision n’a pas fini de nous surprendre et de faire parler !
La Fiche Artiste de Tommy Cash
Tommy Cash – Instagram
